À quoi je participe ? À quelles dynamiques je contribue ? À une échelle plus grande qu’est-ce que mes actions et apprentissages construisent ?
Au bout de deux mois et demi de formation Conseiller Médiateur Numérique à l’ADEA de Bourg-en-Bresse, un premier bilan s’impose. Au quotidien nous sommes plongés dans le numérique en découvrant une pléthore de logiciels, nous avons démarré nos stages en entreprises, une question bête revient incessamment : au fond le numérique ça sert à quoi ?
Durant ces dernières semaines trois enjeux ont retenu mon attention : l’inclusion numérique, la responsabilité politique et citoyenne et la possibilité de construire un monde plus soutenable.
Numérique pour tous, l’injonction paradoxale.
Nous sommes soumis à une injonction paradoxale. Le numérique ça change tout le temps : nouveaux logiciels, services en ligne, OS…etc…, « L’objectif est de vous rendre incompétents, » nous explique Vincent Mabillot, formateur à l’ADEA et ardent défenseur des logiciels libres. Cela n’est pas sans rappeler le refrain de Bernard Stiegler « vous êtes toujours en retard » pour raconter cette disruption qui rend fou.
Mais le numérique doit dorénavant être inclusif. C’est-à-dire être appropriable par le plus grand nombre voire tous. C’est pas moi qui le dit, c’est le Secrétaire d’État chargé au numérique :
Le travail de formation et d’accompagnement est dévolu aux médiateurs numériques.
Au quotidien, nous naviguons entre deux eaux, c’est dans la ligne de fracture que nous entrevoyons des pistes de travail et de réflexions.
Un travail social
L’ADEA est un centre de formation et une association de promotion sociale. Le centre est reconnu pour ses formations en intervention sociale (moniteur-éducateur, éducateur spécialisé…). La formation comprend le métier de conseiller médiateur numérique comme du travail social.
Nos formateurs nous sensibilisent à diverses problématiques : l’illettrisme, l’handicap, l’accès aux droits.
Nous avons des séances d’accompagnement avec une structure d’accueil pour personnes en situation de handicap. Nous avons découvert combien il est difficile pour ce public d’interagir avec un ordinateur : taper ses identifiants, prendre en main la souris… Nous restons dans une posture d’accompagnant : il s’agit d’aider sans faire à la place de. L’outil de l’ordinateur devient un moyen d’expression, une entité tierce pour échanger et converser. Le numérique est alors un moyen et non une fin.
Il en va de même pour les adolescents d’un ITEP de la région, qui pendant quelques semaines sont venus dans notre espace public numérique construire leur établissement sur Minecraft. Dans l’espace virtuel du jeu les enfants apprenaient les règles de la vie en société : respect de l’autre et de son travail… Là encore nous étions en position d’accompagnateur, les adolescents étant de toute façon meilleurs que nous sur Minecraft.
Le numérique est encore un moyen quand il s’agit d’accéder à ses droits. Le 18 mai 2018, nous sommes intervenus lors d’une journée « Accès aux Droits et Fracture Numérique ».
Alors que près d’un tiers de la population française peine à réaliser des démarches sur Internet, les services et les administrations se dématérialisent : Impôts, Caf, Sécurité sociale, CCAS…etc. Générant de l’exclusion pour des populations déjà fragilisées. Nous avons travaillé en atelier, avec comme approche une vision problèmes rencontrés/solutions possibles pour dégager des perspectives. La journée a réuni les membres de différentes administrations, les représentants de nombreuses d’associations ainsi que de simples citoyens.
Après cette journée un constat s’impose : la transversalité du numérique remet en question le fonctionnement des administrations. Un point intéressant s’est esquissé à l’horizon : la participation active des bénéficiaires dans la construction des services de demain.
Les perspectives ne manquent pas
Tandis que le gouvernement publiait un rapport sur l’inclusion numérique avec à la clé un kit d’intervention pour les médiateurs numériques. Un travail de synthèse nous fut demandé. Il s’agissait de réfléchir à la posture du médiateur numérique dans une société dite inclusive. Les sources étaient nombreuses. Il s’agissait avant tout d’un travail de découverte. Découverte de la ressource documentaire, découverte du travail collaboratif à distance, découverte de la conduite d’un projet à plusieurs. Ce travail nous a permis de dessiner les contours de notre métier. Les pistes de réflexions et les perspectives pour travailler sur l’inclusion numérique ne manquent pas.
- D’abord des outils libres et respectueux de la vie privée semblent favoriser l’inclusion numérique. Ces derniers s’avèrent plus durables et ont plus à coeur le respect de l’utilisateur. Loin du design clinquant des GAFAM et de leurs services tentaculaires, il s’agit d’établir des périmètres d’accompagnement précis.
- Ensuite la médiation numérique doit participer à l’expression et la contribution citoyenne. Il s’agit de donner à chacun la possibilité de s’exprimer et d’exploiter son plein potentiel créatif. L’information numérique permet la citoyenneté. Dans la logique du logiciel libre chaque citoyen doit pouvoir apporter sa contribution à la démocratie.
- Enfin le médiateur numérique doit avoir une connaissance fine de son territoire et ses populations. C’est pourquoi la médiation numérique est avant tout une pratique et un métier à la croisée des nouvelles technologies et du travail social.
Je reviendrai sur les deux derniers points dans les prochains épisodes et au bout du compte entre le « adapte toi » et « inclut tout le monde ! », on y verra peut-être plus clair.
Très intéressant,
On a hâte de lire la suite…
Bien, très bien même…. on croirait cet article écrit par un super pro du journalisme, si si.
Bravo!
C’est amusant comme nos préoccupations se rejoignent . La fracture numérique est devenue une préoccupation quotidienne des CCAS (centres communaux d’action sociale) qui doivent compenser le désengagements des administrations.